Horreur : l'addition dans Z est instable !


  • M

    Bonjour à tous.

    Un petit défi :
    Pouvez-vous trouver des nombres entiers relatifs (distincts ou non) dont la somme ne soit pas un entier relatif ?
    Il existe plusieurs solutions.


  • Thierry
    Modérateurs

    Hello,

    Je ne vois pas...


  • M

    Bonjour,
    Laissons les autres chercher, sinon, je peux donner une indication.


  • N
    Modérateurs

    Bonsoir Mathtous,

    je propose la somme
    A = 1 - 1 + 1 - 1 + ......
    Que l'on peut écrire A = 1-(1-1+1-1+....)
    soit A = 1 - A , soit A = 1/2,

    Ou
    A = 1 - 2 + 3 - 4 + 5 - 6 + ......
    qui donne par un calcul similaire A = 1/4

    Bien sur ce calcul est faux mais ou est l'erreur !


  • M

    Bonjour Noemi

    Le calcul que tu donnes pour la série de Grandi est celui fourni par Euler.
    Où est l’ « erreur » ?
    Ce peut être d’attribuer à cette somme une valeur (que tu notes A) qui n’existe peut-être pas.
    Mais si elle existe, alors il n’y a pas d’erreur.

    Prenons par exemple le cas d’une série convergente simple :
    S = 1 + 1/2 + 1/4 + 1/8 + … + 1/2n1/2^n1/2n + …
    S = 1 + (1/2 + 1/4 + 1/8 + … + 1/2n1/2^n1/2n + …)
    S = 1 + (1/2) (1 + 1/2 + 1/4 + 1/8 + … + 1/2n1/2^n1/2n + …)
    S = 1 + (1/2)S
    D’où S = 2 : c’est bien ce qu’on doit trouver ?
    Et j’ai utilisé la même méthode que toi, alors ?


  • mtschoon

    Bonjour à tous,

    Effectivement, on peut en dire des choses sur cette série de Grandi

    Par exemple :
    1 - 1 + 1 - 1 + ......=(1-1)+(1-1)+(1-1)+....=0+0+0+...=0 (?)
    ou
    1 - 1 + 1 - 1 + ......=1+(-1+1)+(-1+1)+(-1+1)+...=1+0+0+0+...=1 (?)

    MAIS, une série convergente doit avoir impérativement son terme général qui tend vers 0, ce qui n'est pas le cas de la série de Grandi, vu que son terme général vaut -1 ou 1.

    La série de Grandi estdivergente.

    (Ce ne devait pas être connu à l'époque d'Euler...)


  • M

    Bonjour Mtschoon,

    Bien sûr que la série de Grandi diverge, mais au sens classique usuel des séries convergentes.
    La fonction f définie sur [0;1] par f(x) = 1 si x ∈Q , et f(x) = 0 sinon est-elle intégrable ?
    Ça dépend de la méthode d'intégration choisie.
    Pourquoi n'existerait-il pas plusieurs méthodes de sommation de sommes possédant une infinité de termes? Elles permettraient précisément d'attribuer une valeur à une somme telle celle de Grandi.
    Encore faut-il respecter un certain nombre de règles autorisant certaines manipulations.
    Dans son calcul de 1-1+1-1+1+..., Noemi respecte ces règles.
    Ce n'est malheureusement pas le cas des tiens : tu utilises des groupements (en nombre infini) qui sont déjà interdits pour de "vraies " séries convergentes (pense à la série harmonique alternée).

    Toutefois, Noemi ne justifie pas la validité de son calcul de A
    Quant à celui de 1-2+3-4+ … elle ne le détaille pas.

    Mais revenons au problème :
    La définition des opérations sur R (ou C) induit un certain nombre de propriétés, telle la commutativité, l’associativité, qui sont déjà perdues avec des sommes de séries même convergentes (sauf exception, par exemple des séries absolument convergentes).
    En fait, une somme telle que a0 + a1 + a2 + … n’a aucun sens vis à vis de l’addition des nombres réels.
    Il fallait lui donner un sens, et pour cela il existe plusieurs méthodes de sommation, permettant non seulement d’attribuer un sens aux séries convergentes au sens classique, mais également à certaines séries divergentes..
    Celle utilisant la limite des sommes partielles en est une, mais ce n’est pas la seule.

    En connais-tu d’autres?

    Il existe sans doute des séries réfractaires à toute méthode de sommation, par exemple :
    S = 1+1+1+1+ …
    S = 1+(1+1+1+ …)
    S = 1+S
    D’où 1 = 0 ce qui est exclu dans R.
    Mais tu vois que je n’ai pourtant ici appliqué que des règles ‘autorisées’.

    P.S. Euler connaissait les séries divergentes et leur attribuait des valeurs dans certains cas ; ce lui fut d’ailleurs reproché.
    Sauf erreur de ma part, le calcul donné par Noemi lui serait attribuable.


  • mtschoon

    Bonjour Mathtous et merci pour toutes ces indications.

    Pour moi, la somme d'une série est définie comme étant la limite des sommes partielles, si elle existe.
    Dans le cas étudié, la suite des sommes partielles est 0,1,0,1, donc...

    Je ne suis jamais penchée plus sur la question.

    Toute information sera la bienvenue.


  • M

    Il existe plusieurs méthodes d’intégration : ainsi, l’exemple proposé précédemment de la fonction caractéristique de Q sur [0 ;1] n’est pas intégrable au sens de Riemann, mais elle l’est au sens de Lebesgue.
    De la même manière, il existe plusieurs méthodes de sommation pour des sommes possédant une infinité de termes, car l’écriture a0 + a1 + a2 + … n’a à priori aucun sens (l’addition usuelle dans R ne lui donne aucun sens et à fortiori aucune propriété).

    Je n’ai pas la prétention de les connaître toutes.
    J’ai une assez bonne idée sur les trois premières (sans pour autant en être un spécialiste !).
    Il en existe encore d’autres que je ne maîtrise absolument pas.

    Mais voyons ces trois premières méthodes.

    1. La méthode « classique » utilisant les sommes partielles.
      Les notations sont les suivantes : (an) est une suite d’éléments de R (ou C)
      Sn = a0 + a1 + … + an (c’est une somme ayant un nombre fini de termes).
      Si la suite (Sn) admet une limite finie L, on dit que la « série » a0+ a1+ a2 + … converge et on lui attribue la valeur L.
      Cette méthode possède des avantages et des inconvénients :
      Sauf exception (séries absolument convergentes), on ne peut pas changer l’ordre des termes (sauf un nombre fini d’entre eux) et on ne peut pas regrouper ensemble plusieurs termes (sauf un nombre fini). De fait, on perd la commutativité et l’associativité de l’addition dans R.
      Par contre, si la série converge, on a le droit d’écrire a0 + a1 + a2 + … = a0 + (a1 + a2 + a3 + …)
      La série entre parenthèse converge et sa somme est celle de la série initiale moins a0.
      Cette propriété s’appelle la stabilité : la méthode classique est donc stable.
      De plus, si a0 + a1 + a2 + … converge vers L1 et si b0+ b1 + b2 + … converge vers L2, alors la série de terme général (λan + μbn) converge et sa somme vaut λL1 + μL2. Cette propriété s’appelle la linéarité.

    2. Sommation au sens de Cesàro.
      Les notations sont les mêmes que précédemment.
      On considère la suite (Cn) définie par Cn = (S0 + S1 + …+ Sn−1S_{n-1}Sn1)/n : la moyenne des sommes partielles.
      Si la suite (Cn) converge vers une limite finie C, on dit que la série a0 + a1 + a2 + … est sommable au sens de Cesàro et on lui attribue la valeur C.
      Je te laisse vérifier que cette méthode est stable et linéaire, ce qui justifierait le premier calcul de Noemi si elle avait précisé qu’elle sommait au sens de Cesàro.
      Mais il y a mieux : le théorème de Cesàro précise ceci :
      Si la série de terme général an converge au sens classique, alors elle converge au sens de Cesàro et vers la même somme. Cette propriété s’appelle la régularité. Elle signifie en gros que la sommation de Cesàro « généralise » la méthode classique.
      En revanche, une série sommable au sens de Cesàro ne l’est pas nécessairement au sens classique : c’est précisément le cas de la série de Grandi (je te laisse vérifier).

    3. Sommation au sens d’Abel.
      La série de terme général an étant donnée, on considère la série entière :
      f(x) = a0 + a1.x + a2.x² + … + an.xnx^nxn + …
      Admettant un rayon de convergence R non nul.
      Si f(x) admet une limite finie A lorsque x tend vers R-, alors la série a0 + a1R + … an.RnR^nRn + …est sommable au sens d’Abel et on lui attribue la valeur A.
      On peut toujours, par changement de variable se ramener au cas où R=1, ce qui permet d’attribuer une valeur à a0 + a1 + a2 + …
      Cette méthode de sommation est régulière (théorème d’Abel), stable et linéaire.
      Elle permet bien entendu d’attribuer une valeur à certaines séries divergentes (au sens classique), mais elle est également utile pour sommer par exemple des séries semi-convergentes, telle la série harmonique alternée.
      Elle est toutefois différente de la précédente : ainsi, l’exemple 1-2+3-4+5-…proposé par Noemi est sommable au sens d’Abel mais pas au sens de Cesàro.

    Des autres méthodes : régularisation par la fonction zêta, sommation de Ramanujan, sommation de Borel, …je n’en connais que le nom mais je sais qu’elles peuvent ne pas posséder les trois propriétés (à la fois) de régularité, stabilité, et linéarité. Ces méthodes sont néanmoins utiles (paraît-il car je ne suis pas physicien) en Physique où l’utilisation de séries divergentes (au sens classique) peut s’avérer pratique.


  • mtschoon

    Merci pour ces infos, Mathtous.

    Je m'étais arrêtée à la "méthode classique".


  • M

    A ton service, mais à charge de revanche.


  • mtschoon

    S'il n' a pas d'autres propositions, j'espère que tu nous donneras un jour les exemples auxquels tu pensais.


  • M

    Je suis en train d'y travailler : je pense "pondre" un article la-dessus, que je mettrai sur mon site.


  • mtschoon

    OK


  • M

    Voilà : un premier jet est accessible sur mon site :

    Sommes possédant une infinité de termes
    Merci de bien vouloir m'indiquer les erreurs.
    De toute façon, la discussion reste ouverte.


  • mtschoon

    Bonjour Mathtous,

    Très intéressant ton article.
    Je ne l'ai pas encore regardé de près,mais quel beau travail !
    Merci pour tous tes efforts .


  • M

    Bonjour,
    Merci à toi de bien vouloir me signaler les erreurs : j'ai déjà repéré et corrigé deux coquilles. Il est impossible qu'il n'y en ait pas d'autres.


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